Le Ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, a adressé aux préfets, le 23 janvier 2025, une nouvelle circulaire relative à l’admission exceptionnelle au séjour, autrement dit concernant la régularisation des étrangers sans papiers se trouvant sur le territoire français.
La circulaire Retailleau abroge la circulaire dite « Valls » de 2012, durcit les conditions de régularisation des étrangers en situation irrégulière et insiste sur le caractère exceptionnel de la procédure.
Priorité est donnée aux salariés dans les métiers en tension tandis que, pour les autres, la durée de présence en France susceptible de constituer un indice d’intégration pertinent est portée à sept ans.
La nouvelle circulaire concernant la régularisation des sans papiers donne des orientations qui sont, contrairement à celles de la circulaire « Valls », très générales et s’articulent autour de quatre principes :
- Les préfets sont invités à envisager strictement le caractère exceptionnel de la régularisation des sans papiers
Le caractère exceptionnel de la procédure d’admission exceptionnelle au séjour doit être « strictement entendu », selon les termes de la circulaire
Le ministre demande donc aux préfets de prendre en compte les évolutions législatives régissant l’obtention d’un titre de séjour et, pour les publics concernés, de « privilégier strictement, sauf circonstances exceptionnelles, la voie du droit commun et les critères prévus par la loi ».
Il renvoie en particulier aux dispositifs suivants :
- l’octroi d’un titre de séjour aux victimes de traite des êtres humains ou de proxénétisme qui déposent plainte
- l’octroi d’un titre de séjour aux victimes de violence sous ordonnance de protection
- l’admission exceptionnelle au séjour pour les salariés des métiers en tension
- la délivrance d’une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » aux étrangers justifiant de liens personnels et familiaux en France, pour lesquels il est précisé que « des circonstances exceptionnelles caractérisées devront être présentées ou des considérations strictement humanitaires » ;
- l’admission exceptionnelle au séjour des étrangers accueillis par les organismes d’accueil communautaire et d’activités solidaires
- l’admission exceptionnelle au séjour des mineurs non accompagnés pris en charge par l’aide sociale à l’enfance ou par un tiers digne de confiance entre l’âge de 16 ans et l’âge de 18 ans
- Les métiers en tension désormais seuls éligibles à la régularisation par le travail
Concernant les régularisations à titre exceptionnel justifiées par le travail, qui concernent les étrangers en situation irrégulière exerçant une activité salariée, le ministre les « recentre » sur l’admission exceptionnelle au séjour au titre d’un emploi dans un métier « en tension », prévu à l’article L. 435-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
Cette voie de régularisation instituée par la loi du 26 janvier 2024 exige notamment trois ans de présence en France et 12 mois d’ancienneté dans l’emploi en question, consécutifs ou non, au cours des 24 derniers mois.
- Exigences renforcées en termes d’intégration et de durée de présence en France
La circulaire rappelle que tout étranger qui sollicite un document de séjour s’engage, par contrat, à respecter les principes de la République, nouvelle obligation mise en place par la loi « immigration » du 26 janvier 2024 et entrée en vigueur le 17 juillet 2024
La circulaire précise qu’une attention particulière doit être portée à la maîtrise de la langue française. En ce sens, précise le ministre « la justification d’un diplôme français ou bien d’une certification linguistique, délivrée par un organisme dûment agréé, ou toute autre preuve d’une maîtrise de la langue française devra être appréciée favorablement » ;
Et surtout, la circulaire Retailleau durcit le critère de la durée de présence en France, expliquant que « l’expérience issue de l’application du dispositif d’admission exceptionnelle au séjour fait apparaître que la qualité de l’intégration du demandeur est fortement liée à la durée de sa présence en France ».
Évoquant « un niveau d’intégration raisonnable », elle souligne qu’une « durée de présence d’au moins sept ans constitue l’un des indices d’intégration pertinent, […] sans préjudice des autres éléments d’appréciation de l’intégration à la société française » qui pourront être mobilisés.
- Exclusion du dispositif des étrangers menaçant l’ordre public ou sous le coup d’une OQTF
Le ministre rappelle que les étrangers dont la présence en France constituerait une menace à l’ordre public ou qui se trouveraient en situation de polygamie sur le territoire national sont exclus du bénéfice de l’admission exceptionnelle au séjour.
Il rappelle également que l’existence d’une obligation de quitter le territoire (OQTF) non exécutée peut justifier le refus de délivrance d’une carte de séjour temporaire tout en rappelant que l’ensemble de la situation de l’étranger (et notamment les conditions dans lesquels la vie privée et familiale de l’étranger se caractérise en France) doit être pris en compte avant toute décision de refus de titre.
Pour l’application de ces dispositions, le ministre demande quoi qu’il en soit aux préfets de retenir « une antériorité de trois ans de l’OQTF, à compter de la date de sa notification, en cohérence avec la durée mentionnée au 1° de l’article L. 731-1 du Ceseda, ou, si elle est supérieure, une antériorité de la durée de l’interdiction de retour notifiée ».
En d’autres termes, la personne sous le coup d’une interdiction de retour sur le territoire (IRTF) ou d’une OQTF notifiée depuis moins de trois ans ne devrait pas pouvoir accéder au dispositif d’AES, à moins qu’un élément nouveau justifie un réexamen de sa situation.
Remarque : le ministre précise à ce titre que, « pour la durée d’exécutabilité d’office d’une mesure d’éloignement, il revient à l’étranger d’attester d’éléments de fait ou de droit nouveaux depuis la notification de l’obligation de quitter le territoire français ». Un élément étant nouveau « si son apparition est postérieure à la décision de refus qui précède la notification de l’OQTF ou s’il est avéré que l’étranger n’a pu en avoir connaissance qu’après cette décision ».